Wikipédia : où sont les feeeeeemmes ? | Les Autres Possibles

Wikipédia : où sont les feeeeeemmes ?

Aux Autres Possibles, le sexisme dans les médias est un thème qui nous tient particulièrement à cœur pour nos atelier d’éducation aux médias. Une matière à débattre inépuisable pour faire bouger les lignes ! Retour sur les inégalités hommes/femmes sur Wikipédia, avec les collectifs qui tentent de les corriger.

Par Aurélie Bacheley
Illustration : Quentin Faucompré/Les Autres Possibles
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Cinquième site le plus visité en France, Wikipédia diffuse une culture… surtout masculine ! À Nantes, des ateliers féministes s’efforcent de changer la donne.

Mais qui est donc Irène Joliot-Curie ? Les lecteurs qui ont lu sa fiche Wikipédia en 2017 ont découvert une chimiste, « épouse de… ». L’encyclopédie aux deux millions d’articles francophones tombait pour la énième fois dans un biais de genre classique : une femme, chercheuse, renvoyée à sa vie de famille. Depuis le 4 mai 2019, cette mention a disparu.

Autre nouveauté : on apprend désormais qu’elle a été « l’une des trois premières femmes membres d’un gouvernement français ». Ces recadrages ne doivent rien au hasard : ils sont l’œuvre des AFF, Ateliers femmes et féminisme, à Nantes. Puisque chacun est libre d’écrire pour l’encyclopédie en ligne, les participantes aux ateliers se sont donné pour objectif de combler le fossé des genres sur Wikipédia.

Réécriture inclusive

Depuis 2015 , Anne Baumstimler, professionnelle du numérique et du langage égalitaire, réunit deux fois par mois ces contributrices de la plus grosse encyclopédie du monde, à l’espace Simone de Beauvoir, à Nantes. Ensemble, non seulement elles corrigent les biais lexicaux, mais elles écrivent aussi de nouvelles biographies féminines. Comme ses homologues anglophones et germanophones, la plateforme française stagne à moins de 20% de biographies de femmes, en tête desquelles : les actrices de cinéma, notamment porno.

Pour rectifier le tir, en trois ans, les participantes aux ateliers nantais se sont donc intéressées aux historiennes, aux activistes, aux compositrices, etc. Et ont écrit ou amélioré plus de 500 articles. Marie, 74 ans, a participé à une trentaine de ces sessions d’écriture. Elle a rédigé, par exemple, la biographie de Christine Brisset, qui a œuvré pour les sans-abris en Anjou après la Seconde guerre mondiale. Sur Wikipédia, moins de 15 % des personnes contributrices sont des femmes*.

Histoire exclusive

Des ateliers similaires ont lieu à Marseille, Paris, Montpellier, Lyon, Genève et Sion en Suisse, portés par un autre collectif de contributrices : Les sans pagEs, fondé en 2016. Mais partout, les participantes se confrontent à un frein de taille : le manque de sources d’information fiables. Pour qu’un article soit validé, Wikipédia exige que son sujet soit « mentionné dans un ouvrage de référence, comme une encyclopédie ou un dictionnaire (Le Petit Larousse, etc.) »

Selon Christine Bard, historienne et autrice du Dictionnaire des féministes **, « les femmes sont invisibilisées dans l’Histoire, qui a été écrite par et pour les hommes. En s’appuyant sur des sources extérieures, Wikipédia reflète cette situation. » Les formatrices continuent malgré tout leur bataille, en toute lucidité. « Seulement 5 % des personnes qu’on forme reviennent régulièrement sur Wikipédia pour travailler les contenus », constate Natacha Rault, fondatrice des sans pagEs. Le collectif a tout de même publié plus de 4 600 articles en trois ans, augmentant le ratio de biographies féminines d’1,5 % sur la plateforme. « Il faudrait 90 ans pour atteindre autant de biographies féminines que masculines », lâche Natacha Rault. Qu’importe, Marie, fidèle au poste des ateliers nantais, a l’habitude des petits pas : « Je fais un micro-travail face à une maxi-tâche, à l’image de toute ma vie de féministe ! »

* Source : fondation Wikimédia, 2015 
** Presses universitaires de France, 2017

 

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