Transidentité : à Blain, difficile de s’informer
Depuis quelques années, de nombreux jeunes se posent des questions sur leur identité de genre. Trouver des des ressources sur ce sujet, ce n’est pas simple. Surtout en milieu rural ?
Depuis quelques années, de nombreux jeunes se posent des questions sur leur identité de genre. Trouver des des ressources sur ce sujet, ce n’est pas simple. Surtout en milieu rural ?
Un article écrit par Emma, publié en mai 2022 avec l’aide du magazine Les Autres Possibles.
Emma est une jeune transgenre, âgée de de 19 ans. Aujourd’hui, elle sait qui elle est et s’assume complètement. Mais ça n’a pas toujours été le cas. C’est au collège qu’elle a commencé à se poser des questions : « Lorsqu’on faisait des jeux de rôle par exemple, ça m’arrivait d’avoir des personnages féminins. Je sentais qu’il y avait un problème, mais je ne savais pas si le problème venait de moi. » Est-ce la faute à un manque de représentativité des personnes transgenres dans les médias ? C’est ce que pense Emma : « Nous, les personnes transgenres, ne sommes pas assez visibles. Ça commence à aller mieux dans les séries et les films, mais ce n’est pas toujours bien fait. »
« Ça fait du bien, on ne se sent plus anormal »
Au lycée La Colinière à Nantes, tout est nouveau, les mentalités évoluent, et des jeunes venant d’endroits différents se rencontrent. Pourtant, ce n’est pas là qu’Emma va trouver des réponses à ses questions. Ce n’est qu’en rentrant au lycée Camille Claudel de Blain que « les choses se sont clarifiées », explique-t-elle. Dans l’établissement, il y a un comité contre les intolérances. Le CCLI lutte contre les inégalités au sein du lycée, notamment contre les violences subies par les personnes LGBTQIA+. « J’ai rencontré des personnes avec qui parler, ça représente beaucoup. C’était des personnes qui vivaient la même chose, ça fait du bien, on ne se sent plus anormal ».
Pour obtenir davantage d’informations, Emma se tourne vers la psychologue et l’infirmière du lycée. Ces deux dernières vont l’orienter vers la Maison des Adolescents (MDA) de Loire-Atlantique. Là-bas, des travailleurs sociaux peuvent l’écouter et disposent de ressources pour l’aider. Cependant, ça n’a été possible qu’après un moment. « J’ai connu la MDA qu’en classe de première, grâce à l’infirmière et la psy du lycée, c’est tard, il n’y a pas assez de communication, et en plus, il n’y avait pas assez de permanences sur Blain.» La MDA se trouve à Nantes mais fait des permanences sur Blain, pour éviter aux jeunes de faire le déplacement.
Avec du recul, Emma se sent chanceuse car elle a eu « les bonnes infos au bon moment », et elle a trouvé les bonnes personnes, assez ouvertes. Ce n’est pas toujours le cas. Certains adultes sont « fermés à des sujets, ne prennent pas ça au sérieux et considèrent ça comme un petit mal être ». Elle a, par exemple, eu des amis qui ont connu des personnes fermées de la sphère médicale, ça peut être assez « violent ».
L’avis d’Emma est par conséquent clair sur la question. « Il n’y a pas assez d’assos et d’instances en campagne, juste la MDA et le planning familial, même si ça tend à s’améliorer. Pour être bien informé, il faut donc bouger pour aller sur Nantes. »
«On soupçonne un mal-être, on voit bien que des jeunes souffrent, mais on ne sait pas quoi faire.»
Un constat que partage Émilie. Elle est animatrice – coordinatrice au Centre Socioculturel Tempo du Pays de Blain. Elle est par conséquent entourée de jeunes, elle s’occupe de les orienter, et partage des moments avec eux… C’est arrivé de nombreuses fois qu’elle soit en contact avec des jeunes se posant des questions sur leur genre. Mais elle s’est vite rendu compte qu’elle ne se trouvait « pas assez armée » pour répondre à ces problèmes.
Elle peut alors les orienter vers d’autres structures. C’est ce qu’elle a fait en orientant un jeune de Nort-sur-Erdre vers un collectif de bénévoles de Châteaubriant. Cependant, cette situation est possible seulement dans certains cas. « Ça arrive que des jeunes soient dans un mal-être, mais qu’ils ne viennent pas en parler, raconte l’animatrice. On soupçonne leur mal-être en observant, écoutant, on voit bien qu’ils souffrent, mais on ne sait pas quoi faire. Est-ce qu’on doit en parler aux parents ? Avec le jeune ? On n’est pas formé pour ça, c’est encore tout nouveau, le sujet se démocratise depuis trois ans avec plus de prise de parole. Chacun fait de son mieux en s’auto-formant, sur internet, avec des vidéos, des articles… »
Pour remédier à ce manque de formation, Émilie et ses collègues ont demandé un accompagnement spécifique. Un cycle est prévu avec l’association NOSIG, un centre LGBTQIA+ à Nantes. Durant la première séance, les participants ont pu apprendre les définitions des termes des orientations sexuelles, romantiques, et de genre, ainsi que leur histoire. « On n’a pas encore appris à gérer les situations de ces jeunes, on n’est pas encore armés à 100 %, mais le cycle n’est pas fini ». Seulement, ces formations ne se font que sur demande. Elles restent donc encore très rares.