À Nantes, les initiatives se multiplient pour soutenir les femmes en post-partum | Les Autres Possibles

À Nantes, les initiatives se multiplient pour soutenir les femmes en post-partum

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Longtemps tabou, le post-partum fait de plus en plus parler de lui. Durant cette période qui suit l’accouchement, marquée par de grands changements physiques et psychologiques, la fatigue peut être grande, les émotions fortes et les jeunes mères… totalement perdues. Pour les soutenir, les initiatives fleurissent dans l’agglomération nantaise.

Publié le 8 juillet 2022
Par Nolwenn Perriat
Illustration : Lola Coudignac
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« Je ne vais pas souvent au parc avec mon bébé, il est trop petit pour jouer et si je le mets par terre, il mange de l’herbe ! » « T’inquiète, ça fait partie de la diversification alimentaire ! » Rire général parmi les femmes présentes ce jeudi après-midi pour l’atelier pause-partum, organisé par l’association nantaise Trust. Aujourd’hui elles sont neuf mamans avec leurs bébés de 15 jours à 15 mois, venues pour échanger sur le thème Où et comment sortir avec mon bébé ? Elles se confient sur leurs craintes, leurs motivations et échangent astuces et bons plans.

Tiphaine vient pour la troisième fois, accompagnée de sa fille de 4 mois, Violette. « Il y a des choses difficiles à évoquer avec mon entourage, je ne suis pas forcément comprise sur le fait que le post-partum, ce n’est pas aussi simple qu’on peut l’imaginer. Ici, je suis prise en compte, on peut discuter librement ou sur des thématiques particulières, ça aide. » Tel est l’objectif de ces ateliers pause-partum du jeudi après-midi, créés en octobre 2021 par l’asso Trust, qui s’est donné pour mission d’accompagner les femmes dans les périodes de transition (puberté, maternité, ménopause). S’ils sont prioritairement ouverts aux habitantes du quartier Bottière-Pin sec, toutes peuvent contacter les ateliers et les rejoindre en fonction des places disponibles.

« On a eu du monde tout de suite, car la plupart des femmes sont bien accompagnées pendant leur grossesse, mais après : plus rien, résume Anne-Laure Château, la présidente de l’association. On propose des groupes de paroles, des ateliers en pré-natal pour préparer son post-partum, des ateliers avec bébé, du yoga… On ne s’occupe pas de la parentalité en général, mais vraiment de la période post accouchement. »

Sur le territoire, des initiatives pour soutenir les jeunes mamans et parents

Côté ressources, soutien aux jeunes mamans et parents, ou simplement pour passer un bon moment avec son bébé, les initiatives se multiplient sur l’agglomération. En témoignent la création des ateliers pause-partum de Trust, mais aussi le club poussette né cette année qui propose des balades communes, l’association Les Supermamans : un réseau de mères qui soutiennent d’autres mamans en leur apportant des plats fait maison, et qui compte une antenne à Nantes depuis février 2021. Ou encore le café Les Gamines ouvert en octobre dernier Rue Lamoricière, où l’aménagement est pensé pour recevoir les enfants, qui organise régulièrement des ateliers thématiques pour les plus petits accompagnés d’un adulte. 

Ces initiatives viennent compléter un réseau déjà existant avec, notamment, Le café parents-enfants à l’Abord’âge, situé Rue de la ville en Pierre, l’association Les Pâtes au beurre pour les parents en difficulté (voir notre article paru dans le numéro #14), L’association Nantes Mamans qui propose activités et rencontres pour celles qui se sentent isolées, ou encore L’association Marraine & vous qui rompt également la solitude des mères isolées grâce à une famille marraine. Enfin les Lieux d’accueil parents-enfants sont des espaces anonymes et gratuits, où les parents peuvent venir avec leurs enfants jouer dans un cadre sécurisé et rencontrer d’autres parents. 

Késako exactement, le post-partum ?

Le post-partum, c’est l’après accouchement. Durant cette période, des changements physiques, psychologiques, et émotionnels chamboulent la jeune mère et la famille pendant une durée variable, selon les définitions. L’OMS estime que le post-partum dure six semaines, des gynécologues parlent de six mois, quand d’autres estiment que ce sont les trois ans de l’enfant qui en marquent la fin.

Longtemps, ces changements et leurs répercussions sur la vie des mères sont restés tabous, les conventions sociales exigeant plutôt d’afficher un épanouissement complet suite à l’arrivée d’un enfant. La parole autour du post-partum a commencé à se libérer en 2019-2020, notamment autour du hashtag #MonPostPartum lancé sur les réseaux sociaux par Illana Weizman (entre autres). La sociologue et militante féministe réagissait à la censure d’une publicité pour des produits de soin et d’hygiène pour le post-partum à la cérémonie des Oscars. Une déferlante de témoignages avait alors inondé les réseaux, commençant à briser le tabou. Mais il est encore tenace. 

 

Mathilde est venue à l’atelier pause-partum avec Jules, son fils de 6 mois. Aujourd’hui elle participe à la conversation, échange, rit… Pourtant, il y a 4 mois, elle était à bout, ne dormait plus, ne supportait plus les pleurs de son bébé, avait des pensées très négatives. « Ma sage-femme m’a conseillé une psychologue, qui m’a dit d’aller au Home ou un psychiatre m’a diagnostiqué une dépression post-partum”, explique-t-elle. Le Home est un service du Centre nantais de la parentalité et du développement précoce qui accueille notamment les femmes en difficulté et leurs bébés, soit en journée, soit en hospitalisation complète. Mathilde s’y rend deux jours par semaine depuis trois mois et a accepté de prendre des antidépresseurs. Même si elle remonte la pente aujourd’hui et se sent mieux, les larmes refont surface à l’évocation de sa solitude. « Mon conjoint ne comprenait pas, minimisait, mes sœurs aussi donc j’ai arrêté de leur en parler. On n’a pas le droit d’aller mal quand on a un bébé, il y a un manque de considération des mamans. » 

Pour un meilleur accompagnement post-partum

Un constat que partage Marie Mahé-Poulin, co-autrice du livre Le mois d’or. « On dit qu’il faut un village pour élever un enfant, mais il faut d’abord un village pour prendre soin de la femme, pour qu’elle s’occupe bien de son bébé. » Sorti en 2019, ce livre rappelle que dans de nombreuses cultures, les femmes sont chouchoutées pendant plusieurs semaines après l’accouchement afin de se remettre de cet exploit : avoir donné la vie. Il explique ce qu’il se passe durant ce mois d’or et donne des astuces et des conseils pour le vivre au mieux. « Les choses bougent depuis 2-3 ans, ce n’est plus possible de faire semblant que le post-partum n’existe pas. Mais il y a besoin de plus : plus d’informations dès la préparation à l’accouchement, un congé paternité calqué sur le congé maternité, un meilleur accompagnement par les professionnels… »

Exerçant sur Pornic et Rezé, Marie Mahé-Poulin forme aujourd’hui les personnels soignants désireux d’en savoir plus pour faire évoluer leurs pratiques. Lors de l’atelier pause-partum Mathilde a aussi résumé ce que pensent beaucoup de mamans : « Certains lieux, notamment ceux mis en place par le service public, souffrent parfois d’une mauvaise image. On se dit que c’est pour les parents à problèmes, que ce n’est pas pour nous. Mais finalement, grandes ou petites, nous avons tous des difficultés et c’est chouette de pouvoir se retrouver et en discuter. Où que ce soit. »

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