"L'air intérieur est plus pollué que l'air extérieur" | Les Autres Possibles

« L’air intérieur est plus pollué que l’air extérieur »

Romain Habeau exerce le métier méconnu de conseiller médical en environnement intérieur. Sa mission : nous aider à retrouver un air sain à la maison.

Article publié le 23 mai 2023
Mis en ligne le 12 juin 2024
Propos recueillis par Marie Bertin
Photographie : Karoll Petit
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En quoi consiste le métier de conseiller médical en environnement intérieur ?

Les médecins principalement les allergologues et pneumologues nous envoient au domicile de certains patients pour déterminer s’il y a chez eux des facteurs environnementaux qui aggravent leur asthme ou leur allergie chronique. Notre rôle est de mener l’enquête pour identifier les sources de pollution de l’air de leur logement : y a-t-il des animaux, porteurs d’allergènes ? De l’humidité, qui provoque des moisissures et favorise les acariens ? Combien de personnes vivent dans l’habitation ? Quelles sont leurs pratiques concernant les produits potentiellement polluants (tabac, produits ménagers, décoration, parfums…) ? Quels sont les usages pour le chauffage, l’aération, etc. ? Et en fonction, nous proposons des solutions adaptées aux caractéristiques du logement et aux capacités financières des patients. Nous sommes vraiment là pour aider. C’est gratuit, sur prescription.

 

La pollution de l’air intérieur concerne-t-elle uniquement les personnes allergiques et asthmatiques ?

Non, même si cela représente déjà du monde : 30 % de la population française née après 1980 a au moins une allergie, et 50 % de la population mondiale sera concernée en 2050, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces personnes sont plus sensibles à la pollution, mais tout le monde est touché puisque nous passons, en moyenne, 80% de notre temps en espace clos, c’est-à-dire chez nous, au travail, à l’école, etc. Nous respirons donc surtout de l’air intérieur, qui est plus pollué que l’air extérieur : jusqu’à dix fois plus pour certains polluants.

Qu’est-ce qui pollue l’air des logements ?

À la fois la pollution de l’air extérieur, qui y entre, et la pollution émise depuis l’intérieur du logement. Il y a trois types de polluants intérieurs : biologiques, chimiques et physiques. Les biologiques, ce sont les moisissures, les acariens… Dans l’Ouest et en Loire-Atlantique en particulier, on a un taux d’humidité plus important qu’ailleurs, ce qui favorise leur apparition. Les polluants chimiques comprennent  le monoxyde de carbone (émis par des systèmes de chauffage défectueux), les produits insecticides, ou encore les Composés organiques volatils (COV) : ces éléments s’échappent aussi bien des colles, peintures, vernis, cires, solvants… utilisés dans la décoration, que des matériaux de rénovation (panneaux de bois, sols plastiques, laine de verre, par exemple), mais aussi des produits ménagers, des cosmétiques et des produits parfumants (bougies, encens, huiles essentielles). Enfin, les polluants physiques, ce sont les particules qui proviennent des feux de cheminée ou encore de la fumée de tabac. Un gaz, le radon, fait également partie des polluants physiques, et là encore, l’Ouest est particulièrement concerné.

Quels sont vos conseils pour maintenir un air aussi sain que possible en intérieur ?

Pour les patients allergiques ou asthmatiques, les premiers ennemis, ce sont l’humidité et les moisissures qu’elle engendre. Donc même si on nous dit de ne pas trop chauffer nos logements pour économiser l’énergie… il y a un minimum ! 19°C, c’est bien, ni plus, ni moins. La deuxième chose, c’est l’aération. Rien n’est plus efficace que d’ouvrir grand les fenêtres, deux à trois fois par jour, pendant 10 minutes (plutôt qu’une seule fois pendant 30 minutes). Il faut aussi vérifier le bon fonctionnement de sa VMC. Pour ça, faites le test : placez une feuille de papier devant la grille de ventilation. Si elle se plaque au mur ou au plafond, tout va bien. Et le dernier conseil, c’est d’être attentif aux produits que l’on ramène chez soi. Pour le ménage, il faut vraiment privilégier les produits simples (comme le savon noir, le vinaigre blanc ou le bicarbonate de soude), qui suffisent amplement. Côté bricolage, un étiquetage est désormais obligatoire sur les produits de décoration ou de rénovation : il indique le niveau d’émissions de COV, de A+ à C. Cet étiquetage n’est pas encore obligatoire pour le mobilier, mais on peut s’intéresser soi-même aux matériaux utilisés. Enfin, la plupart des bougies parfumées, bâtons d’encens et huiles essentielles à forte dose sont nocifs dans l’air. Mieux vaut s’en passer.

Y a-t-il eu une évolution dans la façon d’aborder la qualité de l’air intérieur ?

Oui, cette évolution a suivi celle de nos connaissances sur le sujet. Aujourd’hui, on sait que le rapport bénéfices/risques des produits antiparasitaires n’est pas en faveur de leur utilisation par le grand public, car ils sont extrêmement polluants… D’une façon générale, les Français utilisent encore beaucoup de produits biocides (contre les acariens, fourmis, cafards…). Dans ma pratique, je fais donc la chasse aux stocks de bombes insecticides qui traînent souvent sous les éviers… Ce sont des sources de pollution importantes : 75% des logements français sont pollués par la perméthrine, un antiparasitaire. Autre exemple : on déconseille aujourd’hui de désinfecter à fond la cuisine ou la salle de bain à l’aide de produits chimiques comme l’eau de Javel. On s’est rendu compte notamment lors de la pandémie de Coronavirus qu’ils avaient pour effet de détruire aussi les bactéries et les microbes présents qui nous protègent naturellement de bactéries et microbes plus dangereux.

À part l’étiquetage obligatoire pour les COV, la législation évolue-t-elle en matière de qualité de l’air intérieur ?

Oui. Depuis 2018, par exemple, deux COV sont réglementés dans l’air des écoles, des crèches et des établissements recevant du public : le formaldéhyde et le benzène. Leur nocivité est désormais reconnue. Pour d’autres polluants, comme les particules, le dioxyde d’azote, ou encore l’ammoniac, les pouvoirs publics ont déterminé des “valeurs guides”, qui permettent de se faire une idée du risque et d’agir, sans que la réglementation ne soit encore contraignante.

 

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