Interdire les méga-bassines, mais pas que ! Les préconisations du Giec Pays de la Loire | Les Autres Possibles

Interdire les méga-bassines, mais pas que ! Les préconisations du Giec Pays de la Loire

Comme l’a largement relayé la presse nationale, le second rapport du GIEC Pays de la Loire présenté le 12 avril dernier à Angers, se positionne contre la construction de méga-bassines dans la région… mais pas seulement ! Pour les scientifiques, il est également urgent de réduire  de 30 % les émissions liées aux activités économiques dans les cinq ans, ou encore de former 100% des dirigeant·es aux enjeux climatiques.

Article publié le 02 mai 2023
Par Anouk Vassal
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Intitulé “Des propositions pour passer à l’action », le second rapport du GIEC PdL a été présenté au public peu de temps après la manifestation de Sainte-Soline contre les méga-bassines. Préconisant, entre autres, d’interdire ce système de retenues d’eau, il a ainsi connu un écho retentissant dans la presse, occultant quelque peu les autres préconisations des scientifiques pour faire face aux enjeux climatiques à l’échelle régionale.

Le 12 avril dernier, devant une salle comble, le groupe d’experts est d’abord revenu sur le constat du premier rapport paru en juin 2022 : les effets du réchauffement climatique n’épargnent pas les Pays de la Loire et une modification radicale de nos activités est nécessaire pour permettre au territoire d’atteindre un avenir vivable, rappelant, au passage, que l’objectif de la COP21 n’est déjà plus atteignable : “désormais, aucune trajectoire ne permettra de contraindre le réchauffement global en deçà de 1,5°C”, indique clairement ce second rapport. 

Détaillées dans une cinquantaine de pages, les pistes d’actions suivent trois stratégies : Augmenter la mobilisation des responsables locaux – dirigeant·es politiques ou entrepreneur·euses -, atténuer le réchauffement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), et enfin, renforcer les stratégies d’adaptation aux conséquences de ce phénomène, présentes et à venir. Le tout, avec pour parti pris de proposer des solutions simples, peu coûteuses, basées sur la nature, à l’opposé des discours “techno-optimistes” : espérant des solutions au réchauffement climatiques basées sur les nouvelles technologies.

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Mobilisation et effort collectif des dirigean·tes du territoire, dont 400 avaient répondu présents pour assister à la présentation, ont donc été les mots d’ordre de la matinée : “Les acteurs publics et privés du territoire sont aussi en première ligne pour agir”. Et pour atténuer le phénomène, le rapport est clair : il faut atteindre la neutralité carbone en 2050, en changeant radicalement nos usages, nos modes de vie, de transports, notre manière de produire et de consommer. Les scientifiques appuient sur l’importance d’une convergence des efforts pour la réduction de l’empreinte carbone des activités : “Aménagement du territoire, modèles agricoles, systèmes industriels, production énergétique… L’ensemble des activités sont concernées”. À titre d’exemple, dans le secteur des transports cela passera par la facilitation des mobilités douces, en sécurisant les pistes cyclables notamment, ainsi que par le renforcement du ferroviaire, autant pour les populations que pour les marchandises. Le rapport insiste également sur l’importance de la reterritorialisation des chaînes de production : produire avec les ressources du territoire et importer le moins possible. Des propositions qui peuvent pour certaines paraître anodines, mais qui, renforcées, pourraient être réellement efficaces.

Les scientifiques appellent également l’ensemble des secteurs économiques à interroger ce qui relève de l’envie ou du besoin, pour produire mieux et moins. Dans le bâtiment, cela doit se traduire par la réduction des nouvelles constructions, l’optimisation des bâtiments et des logements déjà existants (isolation thermique, utilisation des matériaux moins énergivores, etc). Côté industrie, cela signifie appliquer les principes de l’économie circulaire, en valorisant les déchets, en concevant des produits facilement recyclables. Les technologies employées doivent elles aussi être interrogées, à la faveur des principes de la low-tech : des technologies simples, peu coûteuses et facilement réparables. 

Le troisième grand volet d’actions du rapport propose des mesures pour renforcer l’adaptation des activités et des populations aux effets du changement climatique. D’une part, en approfondissant les connaissances – des acteur·ices et des scientifiques – sur les risques du territoire et sur les vulnérabilités des différentes filières. Afin de permettre la mise en place d’actions efficaces, un module de formation devra être créé : “Destiné en priorité aux dirigeants (élus et directeurs de collectivités, chefs d’entreprises, responsables associatifs…), ce module devra être rendu obligatoire pour les acteurs qui bénéficient d’aides publiques.”

Par ailleurs, il faut sécuriser ce qui relève de nos besoins primaires : les ressources d’eau potable et l’alimentation. Comme l’explique le rapport : “Avec les agriculteurs et éleveurs, les entreprises ligériennes sont particulièrement exposées aux risques climatiques qu’il s’agisse des risques directs (bâtiments, ressources humaines, production), des risques sur leur secteur d’activités (ex : activités très carbonées) ou des risques indirects liés à la vulnérabilité de leurs fournisseurs et de leurs clients”. Le GIEC PdL propose plusieurs mesures pour préserver la productivité des exploitations agricoles et des élevages, comme le développement de l’agroforesterie : la plantation d’arbres dans les cultures pour aider à la santé des sols. Cette technique permet de limiter l’érosion des sols, de les protéger des intempéries et fortes chaleurs tout en préservant la biodiversité. Le rapport souligne également l’importance de renforcer la formation des agriculteur·rices sur la pérennité de leur activité au vu du changement climatique : “leur apporter un appui à la fois social et financier pour accompagner l’évolution de leurs pratiques, exploitations et modèles agricoles (changement de matériel, rencontres entre agriculteurs pour s’inspirer des bonnes pratiques, …)”. Et comme l’a largement relayé la presse, les scientifiques se sont effectivement prononcé contre les méga-bassines qui “expose[nt] à des problèmes d’évaporation, de pollution, voire d’épuisement des nappes sur le long terme. 

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Point important de ce rapport : la place donnée à la nature. Plus que des solutions technologiques ou la mise en place d’infrastructures, le GIEC PdL propose des projets basés sur l’environnement et son fonctionnement naturel. Pourquoi ? Parce que, comme indiqué, ces solutions sont moins coûteuses et plus durables, tout en participant au bien-être humain. Pour cela, le GIEC PdL souhaite que les projets prennent en compte les écosystèmes : “Quand ils sont en bonne santé, les écosystèmes jouent un rôle fondamental dans l’atténuation des changements climatiques”.

Soutenir les écosystèmes – un milieu et l’ensemble de ses êtres vivants – et leur équilibre permettrait notamment de renforcer leur pouvoir de séquestration du carbone, c’est-à-dire leur capacité à stocker le CO2 hors de l’atmosphère, dans le sol, par exemple. Maintenir la santé des écosystèmes de la région passera notamment par le développement de l’agroforesterie cité plus haut, mais aussi par la restauration des zones humides, comme la Brière, ou par la renaturation des villes. Développer suffisamment de nature en ville, en réduisant l’artificialisation des sols, favoriserait la séquestration du carbone, tout en réduisant les îlots de chaleur et en améliorant la qualité de l’air (pour en savoir un peu plus, voir notre dernier numéro 41 « Il est temps de changer d’air”).

Le GIEC PdL appelle donc à laisser derrière nous les modèles obsolètes pour inventer de nouvelles manières de vivre sur le territoire. Il s’attache à ne pas seulement “demander des renoncements mais à proposer des clefs d’actions et des pistes de solutions” pour répondre efficacement à la transversalité de la problématique climatique, comme l’a rappelé Virginie Raison-Victor, présidente du GIEC PdL.

Et alors ce GIEC PdL : c’est le GIEC ou pas ?

Le nom du GIEC Pays de la Loire a pu prêter à confusion ces dernières semaines, mais celui-ci n’est pas relié au groupe de scientifiques de l’ONU. Dans “GIEC Pays de la Loire”, il faut lire : Groupement Interdisciplinaire d’Experts sur le Changement Climatique. Le groupe a été créé en 2020 et est coordonné par Comité 21 qui accompagne les organisations dans le développement durable. Il se compose d’une vingtaine de scientifiques ligérien·nes de disciplines variées, dont des urbanistes, géologues et psychologues. Ces expert·es, bénévoles, se sont donné·es pour mission d’approfondir les connaissances scientifiques sur les effets du réchauffement climatique sur le territoire des Pays de la Loire, jusqu’alors très pauvres, et d’éclairer les acteur·rices sur les mesures à prendre pour atténuer le changement climatique et adapter la société à ses effets déjà visibles, comme l’ont montré les épisodes de canicule de l’été dernier (à propos des vagues de chaleur, lire le numéro #32 “47°2 le matin”). 

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