À Bouguenais, l’école alternative du Lieu Utile rapproche les enfants du vivant | Les Autres Possibles

À Bouguenais, l’école alternative du Lieu Utile rapproche les enfants du vivant

Le lieu utile bouguenais-ecole alternative

Ouvert depuis septembre 2020, Le Lieu Utile est une oasis de verdure en plein cœur de la métropole nantaise. Un tiers-lieu-parc, hébergeant une recyclerie, un jardin partagé, un espace de pratique et d’échanges et une école alternative qui place le vivant au cœur de sa démarche de pédagogie active.

Publié le 13 janvier 2023
Par Julie Haméon
Photographie : Le Lieu Utile
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C’est une oasis au cœur de la métropole. Après quatre années à chercher le terrain idéal, c’est finalement à Bouguenais – les Couëts que Le Lieu Utile a pris ses quartiers, en 2020. Niché au milieu de maisons individuelles et de petits immeubles, l’endroit pourrait presque passer inaperçu…. Il est pourtant exceptionnel en milieu urbain : une oasis de verdure de 7000 m² classée site protégé et refuge LPO (Ligue de Protection des Oiseaux), où cohabitent renards, écureuils, oiseaux, fleurs, radis, et désormais jeunes et moins jeunes humain·es. Le bâtiment central, où se tiennent les activités scolaires et le réfectoire, semble presque anecdotique au milieu des hautes herbes. « Les enfants sont habitué·es à ne pas marcher sur certaines passerelles pour éviter le piétinement, qui est la première cause de perte de la biodiversité », explique Florence Aussant, ancienne conseillère en environnement appliqué aux constructions publiques, fondatrice et désormais coordinatrice de l’association. 

OASIS IS GOOD 

S’inscrivant dans le mouvement Colibris, le projet est né pour sensibiliser les urbain·es à la nature et questionner leur rapport au vivant. «Même en étant conscients des enjeux, il n’est pas facile de changer de comportements, cela s’apprend », relève la coordinatrice du Lieu Utile. Au cœur du projet : l’éducation des enfants. « L’école classique apprend à lire, écrire, compter mais elle n’apprend pas à communiquer et n’offre pas de rapport au monde vivant (faune, flore…), analyse-t-elle. Personnellement, elle m’a permis d’avoir un bac +5 et de sortir d’une certaine précarité économique, mais je n’y ai pas retrouvé pour mes enfants ce que j’avais appris dans ma famille : vivre au rythme du jardin, au contact des animaux, comprendre le cycle de la vie et de la mort…».

L’école du Lieu Utile est alternative en ce sens qu’elle se réfère à des pédagogies nouvelles, en l’occurrence les pédagogies Freinet et Montessori, centrées sur les rythmes et les besoins de l’enfant, ses talents et ses difficultés. Sur les 50 000 établissements élémentaires français, « on compte environ 1000 écoles alternatives, une goutte d’eau », explique Marie-Laure Viaud, Maître de conférences en sciences de l’éducation à l’Université de Lille. « Un chiffre qui a néanmoins doublé en dix ans » ajoute-t-elle. Les pédagogies alternatives y sont en forte croissance et constituent 41% des 120 écoles indépendantes créées en 2022. « Parmi celles-ci, il y a beaucoup d’écoles qui se créent au sein d’éco-lieux ou mettent la nature au centre de leur projet. Des écoles plus anciennes cherchent d’ailleurs aujourd’hui à se former sur ces questions » explique Anne-Françoise de Saint-Albin de la Fondation pour l’école, organisme reconnu d’utilité publique ayant pour vocation de soutenir les écoles indépendantes. 

Le lieu utile bouguenais-ecole alternative
@ Le Lieu Utile

L’école du Lieu Utile illustre parfaitement ce mouvement en constituant la première école “éco-citoyenne” du département de Loire-Atlantique (elles sont désormais deux, suite à l’ouverture de La ruche bleue, à Pontchâteau, en 2021). Mettant les élèves au cœur de l’expérimentation, elle étend ses apprentissages à des disciplines moins habituelles : reconnaître les animaux, apprendre à cultiver des légumes, préparer un repas, réparer et fabriquer soi-même des outils, exprimer ses émotions, apprendre à dialoguer… Des expériences dont les témoignages sont accrochés sur des notes à la yourte, fabriquée lors de l’atelier parents – enfants du samedi matin : « Dans notre école, on peut observer la nature, préparer un spectacle, lire et écrire, travailler seule, jouer et fabriquer des cabanes », témoigne Luna, 7 ans. Pour Mickaël, 11 ans, c’est « l’ambiance entre les personnes [qui] est mieux qu’avant, dans mon autre école »

 

APPRENDRE À VIVRE

Selon leurs parents, les comportements des enfants évoluent rapidement au contact de cette éducation. « Ici jardiner, cuisiner, apprivoiser ses émotions sont au cœur du projet éducatif, décrit Céline Pellé, mère d’un enfant de CE1 et trésorière de l’association des parents d’élèves. Il y a des réflexions et des comportements qui deviennent naturels, ça infuse. » Fatou Diaw, mère d’une élève de 8 ans et éducatrice de jeunes enfants explique pour sa part : « Il a fallu un temps d’adaptation à ma fille pour se familiariser avec le fonctionnement car elle était assez réservée et scolaire. Mais à la fin du CP, elle courait pour venir à l’école, ça faisait plaisir à voir ! Ici il y a plus de liberté, la cour d’école est un jardin, on peut monter dans les arbres. Au départ je n’étais pas à l’aise moi-même puis j’ai vu qu’il y avait tout de même des règles, et qu’elles étaient bien respectées. »

« Ici, l’adulte n’est pas au-dessus des enfants, il y a un respect mutuel », détaille Fanny Teisseire, éducatrice scolaire du Lieu Utile. Un cadre bâti au fur et à mesure de l’expérimentation, cherchant à allier autonomie et protection. L’école accueille également des enfants à besoins spécifiques (troubles de l’attention, troubles autistiques, diagnostic de haut potentiel intellectuel…) pour lesquel·les l’école classique n’a pas produit son effet. « Ici, les élèves sont énormément dehors, leur développement psychomoteur est favorisé, ils sont aussi valorisés par le biais d’autres expériences et modes d’expression que l’écriture » poursuit Florence Aussant.

Le lieu utile bouguenais-ecole alternative
@ Le Lieu Utile

CHÈRE ÉCOLE

Si l’initiative semble heureuse, elle ne doit pas constituer un mirage. Pour cette troisième rentrée, seul·es 37 élèves ont été accueilli·es, de la petite section au CM2, sur plus de 20 000 élèves scolarisés dans la métropole. En cause, notamment, des frais de scolarité qui coûtent entre 2 000 et 6 000 euros par an pour chaque enfant, selon le quotient familial du foyer. « Ce sont des choix de vie, certains parents ont dû retirer leur enfant à cause d’un projet d’achat immobilier, d’autres n’ont pas pu mettre leur 2ème enfant », explique Céline Pellé. Inversement, l’école compte de nouveaux parents qui ne sont pas de la région et pour qui l’école alternative a eu un certain pouvoir d’attraction. 

Ainsi, comment ne pas en faire une école accessible uniquement aux franges favorisées de la population ? L’association espère réduire la facture pour les familles en passant sous contrat de l’Éducation nationale, ce qui permettrait aux salaires des enseignant·es d’être pris en charge, et trouver de nouveaux mécènes pour contribuer au projet associatif. Mais le but n’est pas de trop grossir les effectifs. L’ambition affichée se place ailleurs : servir d’exemple pour faire évoluer les modèles plus classiques. « Une oasis est un lieu où l’on vient se ressourcer, et dont on repart pour semer des graines ailleurs. Notre objectif c’est avant tout d’inspirer, d’essaimer ! », conclut Florence Aussant, investie pour faire connaître cette initiative auprès des collectivités locales qui cherchent aujourd’hui à renouveler leur conception de l’aménagement urbain, et plus largement des modèles éducatifs.

schéma - Le lieu utile bouguenais-ecole alternative
@ Le Lieu Utile

POUR LES GRANDS AUSSI

Le Lieu Utile n’est pas qu’une école. Plus globalement, elle espère repenser les modes de vie, les relations sociales, le rapport au temps, renforcer l’autonomie et envisager des modes de fonctionnement plus coopératifs. Le projet s’adresse donc également aux adultes, par le biais d’ateliers de parentalité et d’activités en famille. Son jardin et sa recyclerie se développent ainsi dans un esprit de coopération avec les voisin·es et acteur·rices aux alentours. Alliant le fond et la forme, le lieu est également engagé dans une démarche de gouvernance partagée, mettant la communication non-violente au cœur de son fonctionnement. « C’est le facteur humain qui fait qu’un projet se concrétise ou non », selon Florence Aussant. Le projet se veut donc évolutif et se donne le temps : « C’est une oasis ouverte à tout âge, on y va par étapes, on va continuer à s’ouvrir. Tout est vivant : les animaux, le jardin, le lieu en rénovation permanente, le projet aussi ».

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