Identités LGBTQIA+ : se mettre dans des cases ?
S’identifier au sein de la communauté LGBTQIA+, est-ce une libération ou une restriction ? Notre journaliste a posé la question à ses proches.
S’identifier au sein de la communauté LGBTQIA+, est-ce une libération ou une restriction ? Notre journaliste a posé la question à ses proches.
Un article écrit et illustré par Pauline, publié en mai 2022 avec l’aide du magazine Les Autres Possibles.
Le terme LGBT est aujourd’hui devenu familier . Ou plutôt faudrait-il dire LGBTQIA+, ou encore l’acronyme complet à l’heure actuelle : LGBTQQIP2SAA. Mais cette appellation à rallonge ne fait pas l’unanimité. Un soir comme un autre, alors que nous parlions de ce sujet, ma mère lâche une bombe : « De toute façon c’est vraiment juste se mettre dans des cases. » Sur le moment, sa remarque me révolte, mais après réflexion, ses propos ne sont pas infondés, bien au contraire. Elle met le doigt sur une question extrêmement intéressante. Je décide donc de recueillir les opinions de mon entourage.
Commençons par mon frère Adam. Contrairement à ce à quoi je m’attendais de sa part, il est le plus favorable aux nombreuses identifications LGBTQIA+. Selon lui, ces appellations peuvent être considérées comme des cases mais ce n’est pas une mauvaise chose pour autant. Tout dépend de ce que l’on entend par « case ». Pour lui, une case n’est rien de plus qu’un groupe. Pour mon frère, utiliser ces cases, c’est simplement un moyen de se nommer, de se définir et il n’y a rien de mal à ça.
«Si les gens veulent se définir de manière extrêmement précise, c’est leur choix»
Mon amie Romane tient une position relativement similaire. Pour elle, « si les gens veulent se définir de manière extrêmement précise, c’est leur choix. » Certaines personnes en ont besoin pour être à l’aise avec elles-mêmes, se connaître, se comprendre. S’identifier permet également de faire partie d’une communauté avec des personnes qui traversent la même chose, de ne pas se sentir seuls. S’identifier ne veut pas nécessairement dire se restreindre. C’est ce que pense Boé, qui nuance tout de même son avis. Pour iel, il faut prendre conscience que l’attirance romantique, l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont des spectres et qu’ils fluctuent au cours de notre vie. En d’autres termes, au cours de sa vie, on peut changer de « cases ». Il ne faut donc pas se limiter à notre identification, sinon on tombe dans de la restriction et ça devient une case au sens négatif du terme.
«S’infliger ce genre de catégorisation c’est spécial»
Mon amie Ella a un regard encore plus critique sur cet acronyme. Sur le fond, elle n’a rien contre les identités LGBTQIA+ mais elle trouve que ça a tendance à aller trop loin. Selon elle, les gens veulent nommer des choses de plus en plus complexes ; trop complexes. Pourquoi tant de précision ? « S’infliger ce genre de catégorisation c’est spécial », estime la lycéenne. À ses yeux, ça en devient presque intrusif à vouloir que les autres sachent exactement ce que l’on est.
Enfin, l’opinion de ma mère. Pour elle, s’identifier, c’est se restreindre à une seule vision, c’est se mettre dans un moule. Elle compare ça à dire « je suis cadre » ou « je suis ouvrier »: se restreindre à sa seule profession, c’est contre-productif puisque nos aptitudes et aspirations vont dans tous les sens. « La vie n’est pas une commode avec des tiroirs », lance-t-elle. Il y a un autre aspect qui dérange ma mère. Étant née dans les années 60, elle a vu la communauté LGBTQIA+ souffrir. Même si elle adhère totalement à cette cause, estimant qu’il est primordial de défendre ses valeurs, il lui est difficile de concevoir qu’on puisse être fier d’une différence qui a pendant longtemps été source de persécutions. Pour elle, se revendiquer comme membre d’une communauté toujours discriminée, c’est « donner le bâton pour se faire battre ». Du fait de sa propre expérience en tant qu’expatriée, elle redoute la souffrance d’intégration et explique avoir, avec le temps, développé un « rejet viscéral du moule ». Mais elle est consciente que la tolérance grandit et conçoit que la différence intergénérationnelle se manifeste ici en un énorme écart de perception.