Tête Haute, la brasserie qui pense l’insertion par le houblon
Avec leur houblonnière et leur brasserie locale, les frères Marzelière relèvent le défi de l’entreprise d’insertion, séduits par l’idée de former par la terre – et la bière.
Avec leur houblonnière et leur brasserie locale, les frères Marzelière relèvent le défi de l’entreprise d’insertion, séduits par l’idée de former par la terre – et la bière.
Il y a peu, Samuel Marzelière était encore ingénieur dans le BTP et son frère Fabien, éducateur spécialisé. Las du contexte dans lequel ils devaient exercer leurs métiers, les trentenaires ont souhaité entreprendre ensemble. « Et surtout : en mettant l’Homme au centre », insiste Samuel. Ils décident donc de monter une entreprise d’insertion, autrement dit, d’employer et de former des personnes « éloignées de l’emploi » : sans qualification, en difficulté financière et/ou en situation d’exclusion. « Le choix de la bière s’est imposé en cherchant une activité qui faciliterait l’insertion sur le marché du travail. On est parti des métiers en tension sur le territoire. » C’est-à-dire, des postes pour lesquels les employeurs peinent à recruter. En Loire-Atlantique, l’agroalimentaire, l’agriculture et la logistique arrivent en tête. Or l’activité brassicole permet justement de toucher aux trois secteurs puisque la brasserie Tête Haute, c’est son nom, aura son propre champ de houblon : une première dans le département. « C’est intéressant pour une personne en formation d’avoir un oeil sur la chaîne complète : du champ au produit fini. »
Sur 19 entreprises d’insertion basées en Loire-Atlantique, Tête Haute sera la seule touchant au secteur agricole. Même à l’échelle nationale, ces dernières se font rare. « Il y a dix ans, elles étaient encore une dizaine en France. Actuellement, on n’en compte plus qu’une ou deux, rapporte Charlotte Collery, chargée de mission à la fédération des entreprises d’insertion du Département. D’une façon générale, c’est dur de faire de l’insertion en entreprise agricole, étant donné la situation du secteur. » La bière ne souffrant pas des mêmes difficultés que le maraîchage, la brasserie devrait mieux s’en sortir, et donc, pérenniser l’activité d’insertion : son premier objectif. « Parfois on entend des gens dire : « Bien vu, ça vous fait de la main d’oeuvre pas chère ! » D’abord, ce n’est pas notre but, tient à rappeler Samuel. Ensuite, c’est faux. Oui, 45% du salaire brut est subventionné par l’État, mais il faut prendre en compte le temps de formation en dehors de l’entreprise, celui dans l’entreprise, et le turn over important. » En effet, un contrat d’insertion dure 24 mois maximum, au terme desquels le salarié, une fois formé et mieux armé pour viser un emploi durable sur le marché du travail « classique », laisse place à un autre salarié en insertion.
S’ils poursuivent le même objectif, les « chantiers d’insertions », à la différence des entreprises, sont mieux subventionnés et accueillent un public en plus grande difficulté, à temps partiel, pour un retour à l’emploi très progressif. Installés depuis 2006 à Carquefou, Les Jardins de Cocagne produisent des fruits et légumes bio et comptent 25 salariés, dont 19 en insertion. « L’agriculture est un beau support pour se former et reprendre confiance, c’est valorisant de voir le fruit de son travail », expose Marianne Loustalot, directrice et fondatrice de la structure. Xoël, 33 ans, est espagnol. Il vit depuis quatre ans à Nantes et a rejoint Les Jardins il y a huit mois. « Malgré une formation en audiovisuel, en Espagne, j’ai galéré à trouver du boulot. J’ai « pété les plombs ». J’avais des problèmes d’argent et de sociabilisation. Ici, j’ai pu prendre mon temps pour atterrir. Je pense que je partirai avant les deux ans parce que ça m’a déjà beaucoup aidé, même financièrement, ça va mieux. » Ensuite, le jeune homme aura le choix : chercher un emploi « normal », ou poursuivre l’adaptation au sein d’une entreprise d’insertion comme Tête Haute, et travailler cette fois-ci à temps plein. La brasserie sera prête à accueillir son premier salarié début 2019, puis un second en 2020. « À terme, on espère salarier cinq personnes », annonce Samuel. ♦
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