Par Thibault Dumas
Illustration : Orana Trikovna
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«Dire « sexualité d’une personne handicapée » ça ne veut rien dire. La sexualité c’est la sexualité, c’est universel. Chacun est traversé par des éléments propres, en fonction de sa capacité de décider, de faire, de son envie», cadre d’entrée Benoît Lacourt, quarantenaire qui codirige Jeunesse et Avenir. Créée en 1975, l’association gère, dans l’ouest de la Loire-Atlantique, une dizaine d’établissements accueillant des personnes en situation de handicap. Elle accompagne, dans leur vie de couple notamment, des dizaines d’adultes présentant une déficience intellectuelle ou un trouble psychique.
La parentalité en question
Pour Angélique Cam, Nazairienne de 37 ans, ce suivi a débuté au terme de sa première grossesse, il y a dix ans. Elle est atteinte de neurofibromatose, une maladie génétique qui altère le système nerveux. «Les médecins ne m’aidaient pas comme je le voulais. En plus, avec la famille de monsieur, il y avait beaucoup de tensions, certains disaient: « Si tu fais les choses mal, on va placer ton fils ou ta fille. »» Derrière la sexualité, de mieux en mieux acceptée, c’est bien l’idée de parentalité qui coince souvent chez les proches. Une éducatrice spécialisée de Jeunesse et Avenir vient toutes les trois semaines, parfois chaque semaine, au domicile du couple. «Il fallait surtout que chacun apprenne à avoir confiance en l ’autre : le partage des tâches, la place à laisser au papa. [Sur la sexualité], j’ai eu quelques conseils pour la pilule, sans plus», relate Angélique qui se consacre désormais à ses enfants – un second est en route– après avoir longtemps travaillé dans la restauration en ESAT (Établissement et Service d’Aide par le Travail, qui permet à une personne handicapée d’exercer une activité dans un milieu adapté en fonction de son autonomie).
Le lieu pour le dire
Autre axe de travail de l’association : promouvoir des lieux où l’on peut échanger sans tabou. En 2015, par exemple, huit volontaires d’horizons variés se sont rencontrés dans un lieu neutre à Saint-Nazaire. Et ce, dix fois à quinze jours d’intervalle, accompagnés – et non «encadrés» – par une psychologue et l’éducatrice spécialisée Anne-Claire Grimaud, âgée de 42 ans. Cet atelier est innovant car il se tient hors des institutions traditionnelles comme les ESAT ou les foyers. «Ça n’est pas toujours judicieux de discuter de sa vie intime avec ses collègues, ses amis, etc, même si ça peut fonctionner pour certains. Ce qui est important c’est surtout de pouvoir choisir où, et à qui on veut en parler», détaille cette dernière, également salariée de Jeunesse et Avenir. L’utilisation de supports, comme du photo-langage avec des images tirées de magazines ou autres, facilite l’expression. «Tout doit permettre aux gens d’être en confiance. On ne commence pas d’entrée par la vie sexuelle, c’est arrivé peut-être à la sixième séance. D’abord c’est la connaissance de soi, le corps, ensuite les émotions, puis on passe à la vie relationnelle et affective, toujours à l’écoute du groupe». Il reste des réserves de la part des familles mais aussi des inquiétudes du côté des professionnels. «On a encore des échos d’institutions où des adultes doivent se bagarrer simplement pour avoir des lits doubles.» ♦
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