Fertilisation des sols : Roundup 0 - 1 Litière forestière | Les Autres Possibles

Fertilisation des sols : Roundup 0 – 1 Litière forestière

Pollution des sols lifofer

À Saint-Gildas-des-Bois, l’asso d’agroécologie Terre et Humanisme expérimente une nouvelle technique de fertilisation des sols sans chimie : la litière forestière fermentée.

Article publié en juin 2022
Mis en ligne le 7 février 2024
Par Nolwenn Perriat
Photo : Jean-Félix Fayolle
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Pour lutter contre la pollution des sols, cessons d’abord de les polluer. C’est ce qui motive William van den Broek, le coordinateur de la ferme du CADO* (Carrefour agroécologique de l’Ouest) à Saint-Gildas-des-Bois lorsqu’il mélange sa « potion de sorcière » : de la litière forestière fermentée, baptisée Lifofer, qui sera épandue sur les cultures de l’exploitation pour la troisième année consécutive.

« La recette est simple. On récupère de la litière de forêt : des feuilles en décomposition, bien colonisées par les champignons, les bactéries… On y ajoute des sucre lents comme du son de blé, des sucres rapides comme de la mélasse, et des bactéries lactiques, telles que du petit lait. On laisse fermenter le tout en anaérobie [sans oxygène, ndlr], puis on dilue la matière obtenue dans de l’eau pour la pulvériser sur les cultures. »

Ce fertilisant naturel est issu des recherches du biologiste et agronome japonais Teruo Higa** sur les micro-organismes. Lorsqu’il les étudie dans les années 1980, son but est de remplacer les intrants chimiques en agriculture. Connue et utilisée depuis 30 ans en Asie et en Amérique latine, la recette de la litière forestière fermentée a été ramenée d’un voyage auprès de paysans cubains par un ingénieur agronome de l’association Terre & Humanisme, en 2013. Si son efficacité sur la croissance des plantes, la productivité des cultures et leur résistance aux maladies est prouvée en milieu tropical, il faut encore vérifier son adaptabilité en milieu tempéré. C’est tout l’objet de l’expérimentation à la ferme du CADO, dont les premiers résultats sont encourageants.

Comment ça marche ? La vie du sol peut être mise à mal par la sécheresse ou le trop-plein d’eau. La Lifofer vient réensemencer le sol en micro-organismes. « Elle est efficace sur les sols vivants, dont elle aide la régénération, affirme Olivier Gueguen, le gérant de la ferme du CADO, qui travaille en bio.
Elle peut remplacer des engrais organiques et éviter le recours aux pesticides. » De son côté, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) a observé une nette baisse d’utilisation de sulfate de cuivre pour la lutte contre le mildiou − l’une des principales maladies de la vigne − dans un vignoble du Gard, depuis l’utilisation de la Lifofer. Manuel Rousseau, pépiniériste à Théhillac, dans le Morbihan, a effectué des tests plutôt convaincants sur des érables touchés par une maladie inconnue qui réduit leur développement. « Après trois aspersions de Lifofer, le développement avait repris », affirme-t-il.

Pourquoi son utilisation ne se généralise-t-elle pas ? L’une des limites serait le temps : « Je n’utilise que de très petites quantités, et si le CADO ne me fournissait pas, je ne prendrais pas le temps d’aller en forêt et de la préparer », explique le pépiniériste. Mais la Lifofer a d’autres avantages : « Ça prend plus de temps que d’acheter un bidon d’engrais, mais c’est nettement moins cher, avance Olivier Gueguen. Avec un bidon de 60 litres de matière solide, on atteint les 1500 litres de produit après dilution. »
Terre & Humanisme organise déjà des formations sur la Lifofer pour les professionnel·les du monde agricole, en rappelant l’importance de conserver une recette authentique. Olivier Gueguen craint « qu’elle soit reprise et commercialisée plus cher avec une préparation différente. Alors que le principe de la Lifofer, c’est de faire avec les ressources locales, ce qui permet de récolter des micro-organismes adaptés à nos sols… »

* Cette ferme est un lieu d’expérimentation et de formation autour de l’agroécologie.
** On lui doit aussi le principe du compostage bokashi.

 

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