Mode made in France : les créateurs locaux à la recherche du juste prix | Les Autres Possibles

Mode made in France : les créateurs locaux à la recherche du juste prix

Un vêtement fabriqué avec respect, ce n’est pas donné. Rencontre avec une créatrice nantaise pour comprendre ce que l’on paye quand on achète en circuit court.

Publié en novembre 2018
Par Jeanne La Prairie
Photo : Les créateurs locaux sont vendus en boutiques (les Fauves, l’Heureux hasard, etc), sur leurs sites ou dans des salons comme Échappées Belles. (Stéphane Mahé/Les Autres Possibles)
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Pour ce sweat léger à motifs roses et noirs, tout frais sorti de l’atelier de Julie Laurent, il faut compter 130€. Contre 10 à 50€ pour un sweat Zara ou H&M. « On peut considérer que c’est cher, je comprends. Parfois, ça me semble exorbitant, alors que je fais attention en fixant les prix », sourit la styliste-modéliste, installée à Mouzillon, dans le vignoble. Cette ancienne chargée de communication de 32 ans s’est lancée, en 2015, dans la création de vêtements en éditions limitées, taillés dans des matières issues des fins de séries d’anciennes collections de haute-couture.


« Un travail d’au moins une semaine, avant de passer à la couture. »


Sapé comme jamais

Pour ce sweat, comme pour ses autres pièces, elle commence par griffonner une idée, puis dessine le patron sur papier kraft. Elle coud un prototype sur un tissu basique pour en mesurer le tombé, et enfin décline et découpe les modèles du 36 au 42 sur papier cartonné. Un travail minutieux d’au moins une semaine, avant de passer la main à Marie-Françoise, couturière retraitée de 65 ans. « Pour ce sweat? Il me faut une demi heure pour découper le tissu, puis 20 minutes pour l’assemblage », estime la Rezéenne. Soit environ une heure de couture, dont le tarif moyen en France varie de 20 à 35€. « En gros, pour chaque création, je retire 30 % de charges pour l’État, 30 % pour la couture et la matière. Les 40 % restant me reviennent pour le temps passé sur la création, la communication et la vente. » Sur 130€, payés par le client, la créatrice touche au mieux 40€. « Jupes, manteaux… Depuis le lancement de ma collection automne, j’ai vendu six pièces », compte-telle fièrement.

Julie Laurent crée des collections pour femmes, confectionnées localement, depuis 2015. (Stéphane Mahé/Les Autres Possibles)

La résistance s’organise

Au collectif Émergence, qui réunit une trentaine de créateurs de la région, on milite aussi pour une mode en circuit court. Des chaussettes à 12€ à la robe en lin bio à 130€, « pour faire comprendre le prix, on communique sur un coût moyen de 45€ l’heure de travail, comprenant la création et la confection, sans la matière », résume Stéphanie Boué, créatrice de prêt-à-porter et présidente de l’association. Pour convaincre, les créateurs se font pédagogues. « Le public ne demande que ça : comprendre comment on fabrique des vêtements. On lui fait toucher la matière, reconnaître le tissé, l’épaisseur du fil, pour apprendre à reconnaître la qualité. »

Julie Laurent aussi met l’accent sur la relation à ses clientes. « 130€, ce n’est pas exagéré, assure Clémence, l’une d’elle. Cette jeune professeure des écoles, sans « salaire mirobolant », a acheté le sweat rose. Je suis prête à mettre ce prix pour une pièce presque unique, un savoir-faire, et parce que ça tient vraiment bien. » Si le sweat rose est porté une douzaine de fois, il reviendra moins cher qu’un sweat Zara porté trois fois, par lassitude ou à cause d’une usure trop rapide. « On ne pourra pas rivaliser avec les grandes chaînes sur le prix, poursuit Stéphanie Boué, de l’asso Émergence, mais c’est sur cette qualité durable que nous pouvons convaincre. » ♦

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