Laurence Landois : “Ce qui me fascine dans la ville, c’est la concentration de milliers de choses” | Les Autres Possibles

Laurence Landois : “Ce qui me fascine dans la ville, c’est la concentration de milliers de choses”

Chaque numéro des Autres Possibles est illustré par un·e artiste nantais·e différent·e. L’occasion de découvrir le travail des graphistes, illustrateur·rices et peintres locaux, mais aussi d’en apprendre plus sur leurs parcours et leurs inspirations dans une interview menée chez eux ou dans leur atelier, et publiée ici après la sortie de chaque nouveau numéro.

Publié le 21 septembre 2023
Propos recueillis par Marie Bertin
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Les dessins et les installations de Laurence Landois marquent l’esprit de l’urbain qui les croise puisqu’ils sont faits de son quotidien : de lignes architecturales et de fragments de vie délaissés, que sont les petits objets glanés par l’artiste à même les rues pour composer nombre de ses œuvres. Ainsi, inlassablement et avec minutie, Laurence Landois questionne le paysage urbain et sa vie grouillante, qu’elle a la chance de pouvoir observer depuis les fenêtres de son atelier, installé dans les derniers étages du quartier Decré, à Nantes.

La ville semble être le sujet principal, le fil rouge de votre travail, est-ce aussi votre avis ? 

Oui. Plus précisément, ce qui m’intéresse c’est ce qui se passe dans la ville. Ce qui me fascine, c’est la concentration de milliers de choses, de vies, de projets humains, dont l’architecture est finalement l’une des manifestations. C’est vraiment de la curiosité au départ. Et puis, c’est aussi la liberté qui se dégage de l’espace urbain : moi je me sens plus libre dans une ville que dans un paysage rural… Même si c’est beau. Finalement, la campagne m’est plus étrangère. Au départ de mon travail, il y a aussi une réflexion autour du genre du paysage. C’est un genre assez classique qui, je trouve, appelle un renouveau. Il pose une question intéressante aux artistes plasticiens d’aujourd’hui : comment le traiter désormais, alors que la nature n’existe plus vraiment, au sens où l’homme est intervenu sur tous les paysages ? Ma réponse, c’est de m’intéresser de près à ce paysage modifié, qui culmine dans le paysage urbain.  

 

Pouvez-vous nous raconter les étapes importantes de votre parcours, celles qui ont compté pour vous ?

Je pense surtout à mon déplacement à Seattle, en 2010. Là-bas, j’ai été confronté à une ville aux dimensions très différentes de ce que je connaissais jusqu’alors. J’ai été frappée par la force et l’originalité des différents types d’architectures : des bâtiments phares très modernes, aux plus insolites ou décomplexés, appelés les Novelties. Seattle est aussi une ville où la nature entre profondément, c’est un espace très ouvert. J’ai eu la chance d’y rencontrer une galeriste qui s’est intéressée à mon travail et m’a proposé une exposition personnelle à la Room 104 Gallery, programmée au printemps 2014. Pour cette exposition, je me suis attardée sur une histoire qui peut sembler anecdotique mais qui ne l’est pas : celle de la petite maison d’Edith Macefield. Cette histoire a fait la une des journaux là-bas. Edith Macefield a refusé de vendre sa maison à des promoteurs et avec sa seule volonté, elle est parvenue à la conserver, créant ensuite dans la ville un contraste saisissant entre sa maison fragile en bois, et le béton qui l’a encerclée… C’est de cette histoire qu’est née ma série de dessins Way.

Laurence Landois, «Out of Way 3 - Macefield Castle. Détail», 2014, Papier millimétré, encres
Laurence Landois, «Out of Way 3 – Macefield Castle. Détail», 2014, Papier millimétré, encres

Une autre étape importante pour moi, ça a été de pouvoir rejoindre les ateliers Bonus, à Nantes, pour trois années de résidence, en 2019. Résidence qui a débouché sur mon exposition Là, en 2022.

Enfin plus récemment l’exposition collective Détours, à Vertou, m’a permis d’inviter d’autres artistes qui comme moi s’intéressent aux mutations actuelles du paysage. On a pris comme point de départ le centre-ville, pour aller vers sa périphérie, jusqu’à la banlieue, qui peut faire plus ou moins de place à la nature, être plus ou moins paysagée…

Dans votre série Way, dont est inspirée l’illustration que vous avez réalisée pour Les Autres Possibles #42, vous utilisez le papier millimétré pour construire vos paysages urbains. Que vous apporte ce support ? 

Paradoxalement, le papier millimétré me permet de divaguer : je l’utilise comme un canevas pour broder ma ville, en suivant une sorte de boucle. Je n’ai jamais de dessin préconçu, dont j’aurai pensé le croquis à l’avance. Je dessine la ville comme on peut s’y promener, en déambulant sans but. L’objectif est d’offrir une déambulation visuelle au spectateur. On pourrait aussi parler d’assemblage, de collage, au sens large. C’est finalement la technique que j’utilise le plus dans mes différentes séries, qu’il s’agisse de dessin ou d’installations. Je collecte diverses formes, divers objets, souvent abandonnés dans la rue : une chaise, un bout de métal rouillé, de carton ou de papier… Et je compose avec. J’aime beaucoup la poésie des trois fois rien.

Laurence Landois, «Sisty 4», 2014, Papier millimétré, encres
Laurence Landois, «Sisty 4», 2014, Papier millimétré, encres

Qu’est-ce qui attise votre curiosité d’artiste en ce moment, sur quoi travaillez-vous ? 

Une chose parmi d’autres à laquelle je m’intéresse en ce moment, ce sont ces maisons atypiques que l’on peut croiser au détour d’un quartier, ou d’un autre. Vous savez : ces maisons dont on se demande quel drôle de projet les a fait naître… J’en ai déjà repéré plusieurs à Nantes. Il y en a une quartier Beauséjour par exemple, dont l’architecture dénote avec sa petite tourelle à l’un de ses angles. J’y suis allée et j’ai fait la connaissance de ses habitants, qui m’ont raconté en avoir fait les plans et l’avoir construit eux-mêmes. Pour l’instant, je me contente de les reproduire en maquettes. Nous verrons si cela peut déboucher sur un nouveau projet, je pense éventuellement à une série de cartes postales… 

Laurence Landois, «LandScale2-XL», 2018, Collages de papiers divers, papier millimétré, encres.
Laurence Landois, «LandScale2-XL», 2018, Collages de papiers divers, papier millimétré, encres.

Depuis 2018, vous êtes également codirectrice d’une publication d’art contemporain, A2, pouvez-vous nous la présenter ?

L’idée de cette publication est d’inviter un créateur (plasticien, chorégraphe, architecte…) qui est libre d’inviter un autre créateur avec qui collaborer. Il s’agit d’une création à deux, inédite, d’un format A2, plié en deux recto verso  avec une risographie originale glissée à l’intérieur. Nous sommes rendus au numéro 9. Il sortira durant la seconde édition du Wave – week-end consacré aux arts visuels à Nantes, en octobre 2023.

 

Le parcours de Laurence, en bref →

Née à Rennes, Laurence Landois s’est formée dans deux écoles d’arts : les Arts Décoratifs de Limoges, durant deux ans, puis les Beaux-Arts de Nantes, pendant trois ans. Elle sort diplômée en 1983 et décide de rester à Nantes où elle prend, avec quatre autres artistes, un atelier dans la rue d’Allonville, en lieu et place d’une ancienne boutique. Tantôt enseignante en arts plastiques entre autre à Lisaa, conférencière aux Beaux-Arts, ou encore intervenante en Histoire des arts, Laurence Landois a longtemps enseigné, avant de pouvoir se consacrer pleinement à ses créations. 

 

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