"Mon année d’atelier à Maison Fumetti m’a permis de me sentir légitime" | Les Autres Possibles

« Mon année d’atelier à Maison Fumetti m’a permis de me sentir légitime »

Anna Conzatti #36

Chaque numéro des Autres Possibles est illustré par un·e artiste nantais·e différent·e. L’occasion de découvrir le travail des graphistes, illustrateur·rices et peintres locaux, mais aussi d’en apprendre plus sur leurs parcours et leurs inspirations dans une interview menée chez eux ou dans leur atelier, et publiée ici lors de la sortie de chaque nouveau numéro.

Publié le 22 avril 2022
Par Marie Bertin
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Franco-italienne, autrice, dessinatrice et coloriste, Anna Conzatti a posé ses valises à Nantes en 2015, au sein de l’atelier Manu Manu de la Maison Fumetti. Ce projet nantais de promotion de la bande dessinée et des arts graphiques a été un véritable tremplin pour la jeune femme qui publie désormais ses propres albums.  

Comment ça a commencé pour toi la BD ?

Moi et mon grand-frère on dessinait beaucoup tous les deux, c’était notre truc. Mes parents avaient pas mal de BD, pas toujours pour les enfants d’ailleurs ! Comme Les passagers du vent par exemple, Fluide Glacial… Je les feuilletais et mon but, c’était d’essayer de comprendre.

À ce moment-là je savais déjà que je voulais être autrice de BD, mais j’ai mis du temps à me sentir suffisamment légitime pour me lancer. Après le lycée, j’ai fait l’école des Beaux-Arts où l’on m’a vite fait comprendre que la BD était un « sous art.” Je l’ai donc mise un peu de côté.

En sortant de l’école, j’ai eu l’occasion de faire une année de volontariat en Italie (SVE), au sein d’une bibliothèque spécialisée dans la bande dessinée, qui était aussi une maison d’édition. C’est ce qui m’a mis le pied à l’étrier : là-bas on m’a fait confiance, et j’y ai publié mes deux premiers ouvrages illustrés, en Italien. Avec Les heures perdues de Monsieur M., c’était une double satisfaction, ma première BD publiée dans le pays avec lequel j’ai un lien très fort.

Pourquoi as-tu décidé de faire tes valises pour Nantes ?

J’avais de bonnes raisons personnelles et professionnelles de venir à Nantes. Côté pro, j’avais entendu parler de Maison Fumetti : un projet de lieu et d’association dédiés à la BD, encore balbutiant, qui s’annonçait vraiment super… Et en effet ! J’étais à la première AG de l’asso, suite à quoi j’ai postulé pour rejoindre l’atelier Manu Manu de Fumetti, qui accueille gratuitement des auteur.rices nantais pendant un an. Ça a été un sacré coup de pouce !

L’atelier m’a offert de vraies conditions de travail, et des rencontres, notamment avec le dessinateur de bande dessinée Joël Legars dont je suis devenue la coloriste. Surtout, cette année d’atelier m’a aidé à me sentir légitime. Là-bas, il n’y avait pas de jugement. La question “est-ce que c’est bien ?” ne se posait jamais directement.

Ce qui comptait, c’était d’abord de bien accompagner les auteur.rices dans la mise en valeur de leur travail, de leur apprendre à monter un dossier pour se présenter à une maison d’édition, par exemple. C’est grâce à la confiance acquise dans cet atelier que j’ai pu publier mon premier livre en tant qu’autrice et illustratrice : L’île aux crabes, au sein de la maison d’édition nantaise Vide Cocagne.    

Anna Conzatti #36
L’île aux crabes

Tes premiers livres étaient donc dédiés à la jeunesse, tout comme Bricoles et Bestioles, ta première BD parue en 2020. C’est le public pour lequel tu souhaites travailler en priorité ?

J’ai commencé par écrire des histoires jeunesse parce que ce sont les histoires qui sont venues à moi, mais je compte bien explorer d’autres horizons ! D’ailleurs mon projet en cours est une BD beaucoup plus adulte, dédiée aux arts rupestres et en particulier à la grotte de Chauvet.

L’histoire retrace le parcours d’une artiste préhistorique, de son enfance jusqu’au moment où elle a dessiné ce panneau des lions que l’on peut admirer encore aujourd’hui dans la grotte. Sur ce projet, je travaille avec le scénariste Fabien Grolleau. La BD sera publiée chez Dargaud en 2023.

Anna Conzatti #36
Bricoles et Bestioles

Comment travailles-tu tes histoires et tes personnages ?

Une histoire, un personnage me vient de plein de choses : ce sont des morceaux de vie personnelle qui s’assemblent. Et quand tout devient à peu près cohérent, c’est le moment d’écrire ! Il y a un moment où je le sens, l’envie d’écrire monte et il faut que j’aille jusqu’au bout. C’est là que les personnages apparaissent peu à peu.

Je fais pas mal de petits croquis mais je n’ai pas besoin de dessiner mes personnages dans tous leurs états, dans toutes les positions, pour me lancer dans la BD à proprement dite. Je préfère les regarder naître dans l’histoire. Et je me rends compte que j’aime mettre en place des personnages plutôt discrets. C’est vraiment leur principal point commun pour l’instant. 

Quels sont les auteur.rices BD qui t’inspirent ? 

Il y en a beaucoup mais s’il faut choisir, je dirai George Perec, d’abord, dont les personnages aussi sont assez discrets, même s’ils ont toujours quelque chose d’extraordinaire. Il y a Hippolyte, ou encore Alfred, qui traduit bien ce que signifie le déracinement.

Aude Picault que je trouve très délicate dans sa manière de raconter, est une des rares femmes qui faisait de la BD pas trop estampillée « girly » quand j’étais ado ! Je peux aussi citer Hubert, un des premiers auteurs à travers lequel j’ai compris l’importance du scénario en BD…

Anna Conzatti #36

Tu tiens un compte Instagram, sur lequel tu postes des scénettes dessinées, autour de ta vie de maman… peut-être bientôt une BD sur le sujet ? 

Pour l’instant, je le prends plutôt comme une récréation. Je n’ai pas envie d’être contrainte dans cet exercice qui dépend quand même de la relation avec mon enfant ! Mais c’est vrai qu’il y aurait peut-être quelque chose à faire, je trouve la plupart des BD sur le sujet un peu toutes pareilles : très centrées sur la mère.

De mon côté, je m’amuse à mettre en scène les répliques de ma fille, mais je les dessine surtout pour elle, pour plus tard. Et pour relativiser ma vie de maman, pas toujours facile au quotidien. J’aime beaucoup les réactions que ça suscite et ça me plaît de pouvoir partager autour de la parentalité.

Le parcours d’Anna Conzatti, en bref →

Anna Conzatti a fait l’école des Beaux-Arts de Lorient entre 2009 et 2014, avant de se lancer dans une année de volontariat en Italie, au sein d’une bibliothèque spécialisée dans la bande-dessinée, le Centro Fumetto Andrea Pazienza : c’est une révélation pour la jeune femme qui dessine depuis l’enfance et a toujours souhaité devenir autrice.

De retour en France, elle rejoint le projet de l’association Maison Fumetti, à Nantes, et intègre l’atelier Manu Manu, porté par l’asso, pour un an. Elle publie son premier livre jeunesse, en France, en tant qu’autrice – illustratrice, à la fin de son année d’atelier : L’île aux crabes, au sein de la maison d’édition nantaise Vide Cocagne, en 2018.

Elle enchaînera avec deux autres projets en tant qu’illustratrice : Dans mon terrier et Le Tigre de Mona, de l’autrice Gwénola Morizur. Avant de publier sa première BD, Bricoles et bestioles, aux éditions Grand Souk, en 2020. 

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