Qui veut la peau de l'OFB ? | Les Autres Possibles

Qui veut la peau de l’OFB ?

Ces derniers mois, de fortes tensions ont émergé entre l’OFB, l’Office français de la biodiversité, et le monde agricole. Les agent·es de l’OFB ont presque toujours été victimes d’intimidations et d’atteintes physiques, mais ce phénomène s’intensifie. Zoom sur la situation

Article publié en mars 2025,
dans le magazine #46 des Autres Possibles
Par Marie Bertin

Le 31 janvier 2025, les agent·es de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont manifesté partout en France, dans le cadre d’une grève nationale lancée par leur intersyndicale pour s’opposer à l’exécutif : le taux de participation, autour de 70 %, est historique, jamais atteint depuis la création des différents établissements constitutifs de l’OFB, en 1972. Ce qui a mis le feu aux poudres ? De fortes tensions entre l’Office et le monde agricole. Les agent·es de l’OFB ont presque toujours été victimes d’intimidation et d’atteintes physiques, mais ces derniers mois le phénomène s’intensifie. Selon l’AFP, près de 70 implantations de l’OFB ont été la cible de dégradations et de menaces en 2024. Pour ne citer que quelques exemples : le 8 octobre, le directeur départemental de l’OFB du Tarn-et-Garonne a échappé de justesse à un accident. Une roue de son véhicule avait été déboulonnée à l’issue d’une réunion organisée à la chambre d’agriculture de Montauban. Le 18 novembre 2024, dans l’Oise, la section départementale de la FNSEA* a muré les locaux de l’organisme. Le 18 janvier 2025, des agriculteur·rices de la Coordination rurale de Haute-Loire marquaient le sol devant l’agence locale de cet avertissement « OFB gare à vous »…

C’est dans ce contexte que François Bayrou, Premier ministre, a prononcé sa déclaration de politique générale le 14 janvier dernier. S’il n’a quasiment pas fait mention de la question climatique, il a tout de même parlé biodiversité… en lançant un acte d’accusation sévère à l’égard de celles et ceux chargé·es de veiller à sa préservation en France : « Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent contrôler le fossé ou le point d’eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran, c’est une humiliation, et c’est donc une faute » a-t- il affirmé. Rappelons qu’un an auparavant, en janvier 2024, l’un de ses prédécesseurs, Gabriel Attal, avait déjà remis en cause le port d’armes des agent·es de l’Office. Quelques jours après François Bayrou, Laurent Wauquiez, chef des député·es LR à l’Assemblée nationale, proposait quant à lui de “supprimer l’OFB ”, purement et simplement.

L’OFB est pourtant un établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et du ministère de l’Agriculture. En plus de ses missions de recherche scientifique et d’évaluation de l’état des populations d’animaux sauvages, il est chargé de faire respecter la loi : le code de l’environnement. Donc, notamment, de veiller au respect des arrêtés sécheresse, de surveiller l’entretien des haies, la pollution des cours d’eau… Comme tout officier de police judiciaire, ses agent·es peuvent mener des perquisitions, des auditions, et portent l’arme à la ceinture. La députée écologiste Sandra Regol a rappelé, à la suite des propos du Premier ministre, que « 81 agents ont déjà été tués dans le cadre de leur fonction depuis la création des divers établissements ayant précédé l’OFB. »

L’OFB, cible de choix de la colère du monde agricole, est-il responsable de sa détresse ? Moins de 1 % des 400 000 exploitations que compte la France ont été contrôlées par l’OFB en 2023. L’explication est donc ailleurs… Peut-être, pour partie, dans le livre Polices environnementales sous contraintes*, qui revient sur la difficile mise en œuvre des politiques environnementales. Les auteurs y soulignent que, « pour des agriculteurs déjà dépendants de plusieurs autorités publiques, l’émergence de nouvelles autorités répressives autour de l’eau, puis de la nature, est perçue comme une provocation ». Par ailleurs, nombre d’agriculteur·rices considèreraient les réglementations environnementales comme des contraintes sans contrepartie, dans la mesure où leur revenu n’augmente pas, voire baisse… « Tout se passe comme si la pression économique que subissent les agriculteurs, imposée par les acteurs financiers ainsi que par les entreprises d’agrofourniture et de négoce, renforçait une critique qui n’est pas directement dirigée vers ces acteurs, mais vers la réglementation environnementale », peut-on aussi y lire.

 

*Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
*Léo Magnin, Rémi Rouméas et Robin Basier, éd. Rue d’Ulm, 2024.

 

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