Cécile Aurégan, illustratrice des Autres Possibles :  “Je ne crois pas avoir déjà dessiné de vache avant !” | Les Autres Possibles

Cécile Aurégan, illustratrice des Autres Possibles :  “Je ne crois pas avoir déjà dessiné de vache avant !”

Chaque numéro des Autres Possibles est illustré par un artiste nantais différent. L’occasion de découvrir le travail des graphistes, illustrateur·rices et peintres locaux, mais aussi d’en apprendre plus sur leurs parcours et leurs inspirations dans une interview publiée ici lors de la sortie de chaque nouveau numéro ! 

 

Cécile Aurégan, 29 ans, est illustratrice, peintre et designeuse textile. Elle a réalisé l’illustration du numéro #31 des Autres Possibles. Installée à Nantes, elle investit différents médiums au fil des saisons : muraliste et intervenante arts-plastiques pendant la période estivale, elle peint, imprime et scénographie au printemps et à l’automne, et dessine des motifs pour des collections textiles l’hiver. 

Interview

Comment est née ton envie de peindre ? 

Avant d’être peintre, je suis designeuse textile spécialisée en création de motifs. C’est ma seconde formation après mes études de graphisme à l’Agr de Nantes : j’ai fait le master design textile des Beaux-Arts de Bruxelles. Malheureusement j’ai dû l’écourter pour une histoire d’équivalence de diplôme… Bref.

Je me suis alors demandée : “comment faire pour mettre en avant mon travail, mes motifs, sans avoir accès au matériel et au réseau de l’école ?”, et la solution que j’ai trouvée, c’est la peinture.

J’ai mis en scène mes motifs dans des tableaux représentant des salons, avec des fauteuils, des tapis, du papier-peint au mur… J’ai fait une première expo, Mise en scène, en 2017 (Nantes, chez Dodé), et ça a marché !

Mon travail a été repéré par un créateur de vêtements. Peu à peu j’y ai pris goût, et j’ai fait plus de peinture que de motifs textiles. J’ai intégré de la vie et des personnages à mes tableaux. J’avais envie de raconter autre chose, de représenter mon entourage aussi.

 

Tes tableaux marquent par leurs couleurs vives, chaudes et contrastées, sais-tu d’où te vient cette palette, ce goût pour la couleur ?

Je pense que j’ai été influencée par mes voyages, notamment en Inde. Là-bas j’ai été frappée par les motifs et les couleurs des habits, et leurs brillances. Dans un premier temps, je ne dessinais qu’en noir et blanc, des décors très très détaillés, puis la couleur s’est imposée.

Elle est arrivée à un moment de ma vie où j’en avais besoin et a agi comme une thérapie grâce à sa lumière. J’ai trouvé le moyen de communiquer avec ces couleurs-là. Il y a aussi l’influence du travail de David Hockney. Grâce à lui, je me suis sentie autorisée à faire ce genre de grands aplats vifs, à peindre des arbres en rose… 

Cécile Aurégan artiste illustratrice nantes
Liberté, Cécile Auregan

Tu peins sur de grands formats, tu réalises des fresques, tu sembles avoir également le goût du monumental…

Là aussi ça fait partie de ma façon d’échanger. La fresque, c’est un moyen de communiquer “en grand”. Le mur, comme le textile, c’est moins élitiste que l’expo. Mes débuts avec les fresques, c’était au Chili, en tant qu’intervenante en arts plastiques.

Et une de mes meilleures expériences, je l’ai vécue avec de jeunes adultes handicapés : ils n’avaient pas de retenue, ils peignaient comme ça leur venait, sans limites, là où la fresque peut intimider la plupart des gens qui n’osent pas toujours s’exprimer en aussi grand.

 

Comment s’est passée, de ton point de vue, la collaboration avec Les Autres Possibles ? Illustrer un magazine, était-ce très différent de ce que tu fais d’habitude ? 

J’étais contente d’avoir été contactée, mais stressée aussi : c’est le stress de la commande ! C’est une problématique – l’avenir de l’agriculture – à laquelle je suis sensible. Ceci dit, je me suis immergée dans les articles et tout s’est bien passé.

Finalement, ça parle du rapport de l’Homme à la nature, donc ce n’est pas si éloigné de mes thèmes. Et j’ai appris beaucoup de choses, je suis admirative de ce métier et de ceux qui se lancent dans cette grande aventure. C’est drôle, je ne crois pas que j’avais déjà dessiné une vache avant…

 

Cécile Aurégan artiste illustratrice nantes
Cécile Aurégan illustre la carte des Autres Possibles – (c) Nina Faustine

On vit une drôle d’époque… La crise sanitaire a-t-elle influencé ta peinture d’une manière ou d’une autre ?

Oui, mais pas au sens où j’aurais ressenti un chamboulement profond et perdu l’inspiration. D’une certaine façon, c’est le contraire. Lors du premier confinement je me suis mise à faire des photos dans mon appartement, et j’ai fait une série de tableaux à partir de ça, comme 4ème jour, Synthé slip, ou Le Balcon : ça c’est un tableau en partie imaginé parce que j’étais frustrée de ne pas avoir de balcon, justement !

Je peignais aussi à partir des selfies de mes amies sur les réseaux sociaux. Et mon tableau Liberté a clairement été influencé par la surveillance par drone mise en place pendant cette période : on y voit une femme couchée qui en vise un avec un fusil…  

 

Cécile Aurégan artiste illustratrice nantes
Le Balcon, Cécile Aurégan

Quel sens donnes-tu à ton travail : penses-tu tes tableaux comme porteurs d’un message particulier, d’un engagement ?

Peindre c’est avoir envie de parler, de communiquer, donc c’est politique, forcément. Mais au-delà de ça, ma seule exigence quand je peins, c’est d’être sincère. C’est ça mon engagement. Je parle de solitude, des femmes, de nature, d’ésotérisme, de rêves, de maladies mentales aussi. Ce qui me vient, me touche, et je fais tout pour le faire de la façon la plus sincère possible. Et plus j’y réussis, plus je parviens à dialoguer avec ceux qui regardent mes images.

Par exemple, j’ai peint une toile qui, sans le vouloir, parle d’un deuil : dessus il y a un tigre, un loup, deux chaises vides qui se font face, ou encore une porte de cimetière chilienne (mais il est impossible de savoir au premier coup d’œil qu’il s’agit d’une porte de cimetière).

Quand on regarde ce tableau on ne pense pas forcément à ça d’ailleurs, mais j’ai constaté que la majorité des personnes qui ont acheté une impression de ce tableau venait de perdre quelqu’un. Il y a comme une connexion, une coïncidence, qui a lieu.

 

As-tu une idée précise de ce qui t’inspire le plus ? 

J’ai beaucoup scruté l’art brut, mais ce qui m’inspire d’abord ce sont les gens et la musique, toute sorte de musique. J’ai souvent en tête une phrase d’un de mes profs à l’Agr qui disait : “Si vous voulez faire de l’illustration, inspirez-vous de tout sauf de l’illustration, pour être sûr de ne pas faire comme les autres.” 

 

Quels sont tes projets pour la suite, de nouvelles collaborations en vue ?

Mes projets, c’est continuer, le plus longtemps possible. Parfois j’ai peur de m’essouffler car c’est beaucoup de travail, surtout en étant seule à devoir tout porter. Mais tout ça justement me nourrit tellement – les projets, les rencontres, les surprises – que j’espère vraiment, juste, ne jamais arrêter.

Cécile Aurégan artiste illustratrice nantes
La conversation Cécile Auregan

BIO

Le parcours de Cécile, en bref → 

Après son bac, Cécile part 6 mois au Kenya faire du wwoofing. 

En 2011, elle entre à l’AGR, l’École de l’image, à Nantes. 

Après l’école, elle passe 1 an à Paris puis 6 mois au Chili en tant qu’intervenante Art-Plastique.

Elle entre à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, en 2016, en design textile.

À Rennes, durant deux ans, elle fait un service civique au sein des ateliers de scénographie Les Œils et travaille à côté sa pratique à l’atelier Les Agités.

Et revient à Nantes en juillet 2019, ville de ses études, et s’installe à l’atelier de la Bonneterie.

 

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