Préservation de l'eau : quid des toilettes sèches en ville ? | Les Autres Possibles

Préservation de l’eau : quid des toilettes sèches en ville ?

Un·e Français·e souille 30 litres d’eau potable par jour pour évacuer ses besoins. Rencontre avec les militants du WC sec, à contre-courant de la chasse d’eau.

Paru en septembre 2018
Par Tiphaine Gault
Photo : Sur 150 litres d’eau utilisés par jour et par personne : 11 litres le sont en boisson et repas, 17 pour la vaisselle, 19 pour le linge, 31 pour les WC et 60 pour se laver.
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Après un mois et demi de service, le semi-remorque Wondercake affiche 19 424 litres d’eau économisés ! Ce poids lourd richement décoré a été transformé par ses propriétaires en coin pipi mobile pour festival. Sont mises à disposition sept cabines de toilettes sèches « à séparation ». « Avec ce système, l’urine part vers l’avant de la cuvette et les fèces (grosses commissions, NDLR) tombent à l’arrière, explique Renaud Chambre, le monsieur pipi écolo-disco à l’origine du projet. En séparant les deux matières, on évite la réaction chimique qui crée les mauvaises odeurs ». De quoi lui permettre de convaincre les sceptiques.


« On pourrait imaginer une récolte du compost de toilettes sèches en ville. »


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Recycler le dîner

Reste quand même une question : que faire du pipi et du caca ainsi collectés ? À l’origine, les déchets de Wondercake étaient destinés à la méthanisation : production de biogaz par putréfaction. Mais l’idée a dû évoluer : «En festival, on a plus de pipi que de caca, donc on n’a pas assez de matière pour faire du biogaz. Et c’est un processus complexe où le substrat doit être maintenu entre 36 et 38°C, comme dans un intestin », poursuit le passionné. Qu’à cela ne tienne, Wondercake valorise ses déchets en les donnant au service espaces verts de la ville de Nantes, qui les utilise comme compost, uniquement pour les plantes ornementales. « On ne peut pas l’utiliser pour faire pousser des fruits et légumes car les gens consomment des médicaments et cela se retrouve dans leurs excréments, donc dans l’engrais ensuite », explique Renaud.

Comme lui, Jean-Luc Delhommeau se désole de l’usage d’eau potable dans les toilettes. Mais le co-président d’Humus 44, une association de sensibilisation aux questions environnementales, reconnaît la difficulté d’utiliser des toilettes sèches partout, notamment en appartement : « Bien sûr, c’est plus simple lorsqu’on a un terrain sur lequel on peut prévoir de faire mûrir le tas dans un coin. Mais on pourrait imaginer une récolte du compost de toilettes sèches en ville ». Autre option : installer un récupérateur d’eau de pluie pour alimenter sa chasse d’eau, même si cette solution n’est pas toujours jugée satisfaisante : « Le coût d’une telle installation est élevé et rend l’eau trop précieuse pour la jeter dans les toilettes, défend Charline Marcos, bénévole au Réseau d’Assainissement Écologique. Elle pourrait avoir d’autres usages bien plus utiles. »

Game of trône

Pour l’environnement, les toilettes sèches resteraient la meilleure solution, y compris à grande échelle. Maxime Gautreau, régisseur du Solilab − un lieu où travaillent plus de 200 personnes − a pu en faire l’expérience. Il est en charge de la maintenance des dix WC secs à séparation installés en 2014 sur le site. Conçus sans sciure, l’urine ruisselle et les fèces montent sur un tapis roulant actionné par l’usager avec son pied. Maxime a essuyé les pots cassés : odeurs, nuées de mouches, difficultés à trouver des agents d’entretien acceptant de nettoyer les tapis roulants, gestion chronophage avec la vidange bimestrielle des cuves… Mais après plusieurs années d’expérimentations et de rencontres avec des spécialistes, sa persévérance a payé. Il commence à être rôdé et peut s’enorgueillir : « Malgré les 200 occupants, le Solilab consomme l’équivalent en eau d’une famille de quatre personnes en une année ! » ♦

 

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