“Je dessine des corps qui ne sont pas souvent représentés” | Les Autres Possibles

“Je dessine des corps qui ne sont pas souvent représentés”

Chaque numéro des Autres Possibles est illustré par un·e artiste nantais·e différent·e. L’occasion de découvrir le travail des graphistes, illustrateurs et illustratrices, et peintres locaux, mais aussi d’en apprendre plus sur leurs parcours et leurs inspirations dans une interview publiée ici lors de la sortie de chaque nouveau numéro ! 

Publié le 2 décembre 2021
Par Hélène Biélak
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Marie s’est fait connaître en dessinant des femmes voluptueuses et poilues, des personnages devenus sa marque de fabrique. Son compte Instagram – suivi par plus de 54 000 personnes tout de même ! – regorge de corps féminins gros, jeunes, vieux, avec les seins qui tombent… Bref pas vraiment le genre de corps que l’on a l’habitude de voir représentés, et cela fait (beaucoup) de bien. Pour le numéro 34 des Autres Possibles dédié à la santé, elle nous a dessiné à la gouache un imposant personnage unisexe, tout en rondeurs et en couleurs. 

Ça a commencé comment pour toi le dessin ?

J’ai commencé toute petite. C’était vraiment mon truc, je ne faisais que ça… et je n’ai jamais arrêté. J’ai toujours voulu en faire mon métier. On dit souvent “untel c’est l’artiste de la famille”, et bien dans la mienne, c’est moi !

Je suis le genre de personne à qui on offrait des crayons de couleur à tous ses anniversaires en se disant qu’elle serait forcément contente.

© Marie Boiseau

Ton truc, c’est de dessiner des personnages féminins avec des formes et des jambes poilues. Pourquoi tu les représentes de cette manière ?

C’est rigolo, c’est une question que l’on me pose souvent et que l’on ne pose pas aux artistes qui dessinent des femmes minces… Quand j’étais petite, je baignais dans les représentations de femmes, notamment de Barbie.

J’avais l’obsession de dessiner des personnages hyper minces. Ado, le dessin que je faisais le plus c’était un bonhomme avec des jambes en forme de bâton.

Quand j’ai grandi, les femmes sont devenues mon thème de prédilection et mes représentations sur leurs corps ont changé. J’ai découvert le féminisme, le body-positivisme… Et mes dessins ont changé.

Je n’ai pas eu un déclic où, du jour au lendemain, je me suis dit que désormais je n’allais dessiner que des grosses ! Disons que ça a plutôt été un cheminement… 

Est-ce que tu te considères comme une artiste engagée ?

Houla (rires) ! “Engagée” ce n’est pas un gros mot, mais cela donne beaucoup de responsabilités tout de même. Je n’ai pas un bagage culturel énorme, si tu me mets dans un débat, je ne fais pas long feu…

Disons que je fais de belles images avec des femmes au milieu de plantes. On pourrait dire que je suis engagée car je dessine des corps qui ne sont pas souvent représentés … Mais c’est surtout qu’on n’a pas l’habitude de les voir. 

© Marie Boiseau

Tu travailles à la gouache, qu’est-ce que tu aimes dans cette technique ?

Avant, je faisais beaucoup d’illustrations numériques. Quand j’ai découvert la gouache en 2019 lors d’une collaboration, j’ai eu un vrai déclic. La gouache c’est agréable, tu travailles de la matière, c’est plus long, tu es plus concentrée, c’est apaisant…

J’aime travailler les couleurs et les textures à la gouache. Je trouve qu’il y a un côté plus vif et plus vivant, et surtout beaucoup moins figé qu’une illustration numérique. Désormais, je travaille à la gouache pour la plupart de mes collaborations.

En  plus de ton compte Instagram officiel, tu as un autre compte baptisé Marie Grognon, sur lequel tu partages uniquement des dessins dans lesquels tu évoques tes périodes de doutes et tes angoisses. Sur ces deux comptes on retrouve ta patte, ton style, mais avec deux facettes de toi très différentes… tu ne serais pas un peu comme Docteur Jekyll et Mister Hyde ?

Ado, j’étais plutôt du genre torturée et je crois qu’en fait cette phase n’a jamais fini… J’ai beaucoup de moments où ça ne va pas. J’ai toujours eu le réflexe de dessiner dans ces moments-là, de poser des mots aussi. Le compte de Marie Grognon est là pour aborder ces sujets et ça fait du bien.

J’ai créé ce compte pour bien le distinguer de mon autre compte professionnel, pour que chaque chose soit à sa place – c’est important pour moi ! De ces petits dessins de Marie Grognon, j’ai fait une BD Ni bon ni mauvais ni tout à fait le contraire, qui est parue en 2019. 

© Marie Boiseau

Quels sont tes projets pour la suite ?

J’aimerais bien travailler sur des supports différents. Pourquoi ne pas travailler sur une giga-fresque ? Ou faire des vêtements ? Je fais déjà des dessins pour des canevas, avec Canevas Fatal à Nantes. J’ai envie de poursuivre dans cette voie-là…

Le parcours de Marie, en bref

Marie a 29 ans et est originaire de Guérande. En 2016, elle est diplômée de l’Ecole Européenne Supérieure de l’Image (EESI) d’Angoulême, puis s’installe comme illustratrice indépendante l’année suivante. Elle dessine pour des livres pour enfants (La Girafe pas de cou en 2019, La Grande aventure de Pistil en 2021) et est aussi l’auteure et l’illustratrice d’une BD autobiographique Ni bon ni mauvais ni tout à fait le contraire. 

Marie collabore aussi avec plusieurs médias. Elle dessine régulièrement pour la chronique “Ceci est mon corps” du magazine féministe Causette et a réalisé les illustrations de leur agenda 2022. On retrouve aussi ses personnages chez Women who do stuff, Time Out London ou encore le site d’information LGBT+ Komitid. 

 

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