Au lycée, des filières encore très genrées | Les Autres Possibles

Au lycée, des filières encore très genrées

Au lycée Camille Claudel à Blain, certaines filières sont quasiment non mixtes. Comment expliquer ce phénomène et comment le vivent les principaux acteurs ? Enquête d’Ambre Gaudet.

Un article écrit en juin 2021, par Ambre, lycéenne à Blain, avec l’aide du magazine Les Autres Possibles.

Comme un sentiment de solitude… Être la seule fille dans une classe de garçons, ou le seul garçon dans une classe de filles ? Au lycée Camille Claudel, c’est possible et ça dépend des filières. Certaines sont presque non-mixtes. La preuve, avec ces chiffres récoltés pour les classes de Première.

Du côté littéraire les rares garçons font face à une majorité de filles : 3 garçons seulement sur 29 élèves en Humanités Littérature Philosophie, 1 sur 20 en Langues Littératures Cultures Étrangères (L.L.C.E), 2 sur 25 en Art. Et pour les filles le sentiment d’isolement n’est pas loin dans les sciences : 1 fille sur 29 élèves en STI2D, 1 sur 16 en Sciences de l’Ingénieur…

Ça se passe comment pour les filles ?

Seule en classe Sciences de l’Ingénieur, Elisa raconte : « Tout le monde a été surpris […] quand je suis rentrée dans la classe. Ils pensaient que je m’étais trompée de salle ». Prévenue qu’elle allait principalement trouver des garçons dans cette voie, la jeune fille ne baisse pas les bras pour autant et poursuit son projet d’orientation. « L’intégration est un peu lente », confie-t-elle. C’est pour elle un moyen de s’habituer à une situation similaire dans les études supérieures. Elle a eu un contact avec une étudiante en école d’ingénieur qui lui raconte que des employées féminines sont rajoutées sur les photos de classe pour faire croire à plus de mixité. Dans sa classe, Elisa regrette certaines remarques à son égard qu’elle n’entend pas autant sur les garçons : « Je pense que les autres ne se font pas autant charrier sur leurs notes que moi ! »

Et du côté des garçons ?

Les seuls garçons en spécialité Art ou L.L.C.E s’accordent à dire qu’ils ont passé une bonne année. Même si au départ ça a été « un peu intimidant », rien à signaler. L’intégration a été plutôt aisée, grâce à l’aide d’un professeur ou du caractère sociable d’un élève. Seul un garçon suspecte un comportement plus exigeant à son égard de la part du professeur.

Quel point de vue des adultes ?

Pour les professeurs de SI et STI2D, oui, leurs filières technologiques sont très genrées, mais pour autant, aucun sexisme n’est opéré au lycée. Simplement peu de filles se présentent dans ces filières et ça a toujours été comme ça. Les deux enseignants ont l’habitude d’avoir des classes avec seulement une, voire aucune fille. Un professeur qualifie même d’« exceptionnelle » la présence de 4 filles dans la classe de STI2D de terminale. “C’est énorme”, affirme-t-il. Malgré tout, certains quotas dans les études supérieures existent pour éviter le sexisme.

Du côté de la direction de l’établissement, Mme la proviseure adjointe manifeste un intérêt particulier pour la question. Elle s’investit pour permettre plus de mixité dans les classes. L’une des premières causes du problème, selon Mme Audren c’est le manque de confiance actuel des jeunes filles. Pour y remédier, la proviseure adjointe essaie de mieux faire connaître les filières et de montrer aux lycéennes qu’elles en sont capables. Autre problème, la réputation de l’ancienne « filière d’excellence » en S que certains gardent à l’esprit. Or, aujourd’hui la réforme a pour but d’inciter à choisir une spécialité qui convient à notre filière et non parce qu’elle « ouvre plus de portes ». La proviseure adjointe espère qu’avec le choix des spécialités « on puisse vraiment avoir une répartition plus hétérogène des bons élèves dans toutes les filières [ qui pourrait] compenser l’aspect genré des choses ».

« On met la jeune fille sous cloche »

Les compétences valorisées posent aussi question. Mme Audren remarque une différenciation entre filles et garçons au sein même des bulletins scolaires du lycée. Chez un garçon on va valoriser le potentiel ou l’esprit de leader sans attendre la même chose des filles. Celles ci vont simplement correspondre à des attendus scolaires. « On met la jeune fille sous cloche, on lui renvoie une image de quelqu’un de sage », lance la proviseure adjointe.

C’est ce qu’elle veut changer au sein du lycée et elle en fait donc part aux conseils de classes. Elle remarque souvent sur un investissement à ce sujet de la part des professeurs féminines mais remarque parfois un certain désintérêt de professeurs masculins : « La prise de conscience féminine va se heurter à un immobilisme masculin. »

À l’inverse nous avons cet exemple de la classe d’art presque exclusivement féminine et dirigé par un homme. Un professeur qui a su selon Mme Audren laisser exprimer sa « part féminine » artistique, laissant libre cours aux émotions et à l’expression et c’est ce qu’elle souhaite pour chaque individu de genre masculin aujourd’hui.

Aujourd’hui, malgré une certaine prise de conscience et l’attente future d’une évolution positive concernant la mixité des filières, en voyant les chiffres on comprend que cela n’arrivera pas de suite… Cependant, sans chercher à effrayer, on encourage au contraire les élèves à suivre leur propre chemin et éventuellement changer ces chiffres stupéfiants, à l’avenir, avec l’idée en tête de faire un choix qui leur correspond avant tout.

 

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